L'alphabet vu par Victor Hugo

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Dans son livre Alpes et Pyrénées, Victor Hugo, en chemin pour Aix-les-Bains, relie chaque lettre de l’alphabet à un objet, astre, ouvrage d’art ou comportement.

Que diriez-vous d’y voir une invitation à prendre conscience que s’occuper des lettres et des mots permet également de s’occuper de soi, des autres et du monde ?  Voici ce qu'en dit l'écrivain :

La société humaine, le monde, l'homme tout entier est dans l'alphabet. La maçonnerie, l'astronomie, la philosophie, toutes les sciences ont là leur point de départ, imperceptible, mais réel ; et cela doit être. L'alphabet est une source.

A, c'est le toit, le pignon avec sa traverse, l'arche, arx: ou c'est l'accolade de deux amis qui s'embrassent et qui se serrent la main ;
D, c'est le dos ;
B, c'est le D sur le D, le dos sur le dos, la bosse ;
C, c'est le croissant, c'est la lune ;
E, c'est le soubassement, le pied-droit, la console et l'étrave, l'architrave, toute l'architecture à plafond dans une seule lettre ;
F, c'est la potence, la fourche, furca ;
G, c'est le cor ;
H, c'est la façade de l'édifice avec ses deux tours ;
I, c'est la machine de guerre lançant le projectile ;
J, c'est le soc et c'est la corne d'abondance ;
K, c'est l'angle de réflexion égal à l'angle d'incidence, une des clefs de la géométrie ;

L, c'est la jambe et le pied ;
M, c'est la montagne ou c'est le camp, les tentes accouplées ;
N, c'est la porte fermée avec sa barre diagonale ;
O, c'est le soleil ;
P, c'est le portefaix debout avec sa charge sur le dos ;
Q, c'est la croupe avec la queue ;
R, c'est le repos, le portefaix appuyé sur son bâton ;
S, c'est le serpent ;
T, c'est le marteau ;
U, c'est l'urne ;
V, c'est le vase (de là vient qu'on les confond souvent)
X, ce sont les épées croisées, c'est le combat ; qui sera le vainqueur ? on l'ignore ; aussi les hermétiques ont-ils pris X pour le signe du destin, les algébristes pour le signe de l'inconnu ;

[…] Avez-vous remarqué combien l'Y est une lettre pittoresque qui a des significations sans nombre ? — L'arbre est un Y ; l'embranchement de deux routes est un Y ; le confluent de deux rivières est un Y ; une tête d'âne ou de bœuf est un Y; un verre sur son pied est un Y ; un lys sur sa tige est un Y ; un suppliant qui lève les bras au ciel est un Y.
Z, c'est l'éclair, c'est Dieu. 

 
Victor Hugo, En voyage. Alpes et Pyrénées, Paris : J. Hetzel, L.-H. May, 1897.
Dans le texte original, le paragraphe sur le Y figure avant la lettre A.  

L'alphabet vu par Victor Hugo

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